SWEETS DREAMS ARE MADE OF GLASS

we live in cities you've never seen on screen, not very pretty bu we sure know how to run free. living in ruins of a palace within my dreams

Les rêves des demi-dieux ne sont jamais simples. Ceux des enfants de la Mort sont carrément lamentables. Mais ça faisait longtemps que Shade s'était habituée à ces rêves. Le plus souvent, ils étaient issus de son esprit à elle. Tournée vers les Ténèbres, elle y voyait souvent des ombres dansantes, des esprits et des squelettes. De quoi traumatiser n'importe quel enfant de constitution normale, mais de la part d'une petite qui conversait avec les fantômes avant les vivants, ça n'avait rien de particulièrement étonnant. Après, les rêves "anormaux" se divisaient en deux catégories: ceux qui montraient une scène passée ou présente, et ceux où il y avait Elias. Ceux-là, elle y était habituée aussi. Plus ou moins. Rencontrer un petit garçon en rêves et devenir son amie, oui. Le voir grandir en même temps qu'elle, pourquoi pas. Mais le rencontrer en chair et en os dans d'aussi macabres circonstances? Invoquer des âmes mortes pour lui alors qu'elle le connaisait en "vrai" depuis quelques heures à peine? ...Oui. Il avait longtemps été son seul ami "vivant". Le seul peut-être. Sûrement. Ils avaient grandi ensemble par sommeil interposé. Elle affirmait le connaître assez pour voir que quelque chose n'allait pas comme avant. Mais elle passait l'éponge... Sa petite amie était morte, après tout. Personne ne restait le même après quelque chose comme ça. Elle muselait donc ses doutes et ses craintes, mais elle les éprouvait même en rêve.  

Eh oui, les rêves peuvent sembler plus étranges encore que d'ordinaire. Elle s'y sentait mal. Enfin, plus que d'habitudes. Les songes qu'elle partageait avec Elias ne ressemblaient plus à la réalité comme autrefois. Dans certains d'entre eux, ils...sortaient ensemble. Drôle d'idée, n'est-ce pas? Et elle ne savait plus qu'en penser. Lorsqu'ils se voyaient à la Colonie, ils se comportaient en amis, et puis c'était tout. Rien de plus. Heureusement qu'elle n'était pas encore au stade de mélanger la réalité et les rêves, sinon elle était bonne pour perdre la raison en deux temps trois mouvements. Rêver devenait de plus en plus confus pour elle, mais apparemment pas pour son ami. Oui, quelque part, elle sentait que quelque chose clochait vraiment mais n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, et finissait par y renoncer, par égard pour sa santé mentale dont on pouvait parfois se permettre de douter. Doute. C'était quelque chose qu'elle avait en partie. Elle doutait des choses, mais pas des gens. Elle ne se donnait pas le temps de se douter des gens...agir avant de parler, de penser. Elle ne pouvait pas s'en empêcher. Ça la tuerait un jour? Eh bien, que la Mort vienne, et qu'on voie bien qui en sortira. 

Elle se blottit dans son lit de camp un peu à l'écart, dans un coin du bungalow onze. Non-reconnus, enfants de dieux mineurs ou d'Hadès s'entassaient là aussi bien que ceux d'Hermès. Elle avait deux membres de sa fratrie ici aussi. Et puis Elias. La jeune femme se retourna dans les couvertures encore un petit peu, puis finit par céder au sommeil et y plonger toute entière. 

Comme elle l'avait prévu, Shade rêva encore. Ouais, depuis le temps, on ne se pose plus la question, n'est-ce pas? Comme toutes les nuits ou presque, son regard acajou courut sur le décor, analysant tout. Ce n'était pas parce qu'on était dans un songe qu'elle ne se tiendrait pas aux abois. Il y avait même plus de risque dans un rêve, étant donné que ceux-ci étaient imprévisibles. S'ils ne pouvaient menacer sa santé phydique (encore heureux), toucher à sa santé mentale n'était pas une affaire compliquér. Elle se trouvait dans une grande salle aux murs de bois verni, le parquet impeccablement ciré glissant sous ses pieds. Au plafond ciselé pendaient des lustres de cristal qui émettaient une lueur un peu blanchâtre, translucide. Le genre qui n'éclaire pas grand-chose. Ce manque de lumière ne semblait pourtant pas affecter les danseurs, et pour cause...ils en émettaient eux-même. Elle se retint de hurler. Encore et toujours des esprits, des revenants. Une salle de bal remplie de fantômes d'un autre âge, dames élégantes dans leurs crinolines, gentlemen habillés de costumes bien coupés, chacune de leurs silhouettes brillant comme un feu blanc dans le noie alors qu'ils dansaient comme de leur vivant, virevoltant gracieusement d'un bout à l'autre de la pièce à une musique d'outre-tombe qui ne semblait venir de nulle part. Elle croisa son propre reflet dans un miroir sur le mur. Par tous les dieux...comment le rêve l'avait-il habillée..

Elle portait une robe, comme tous les spectres féminins de la salle. Et détesta immédiatement ça. Elle aimait les pantalons pratiques elle. Pas. Les. Robes. Mince! Quand est-ce que son cerveau allait se décider à accepter l'évidence? Le vêtement était certes beau, un bustier avec une jupe à volants de tulle bordeaux et noir, une fleur de tissu épinglée à la ceinture et un corsage bien roulé, le tout parfaitement à sa taille, mais elle ne se sentait pas à l'aise dedans. Un autre regard vers son visage lui arracha un mi-soupir, mi-gémissement de dépit. En ce moment, tous ses rêves la forçaient à être...féminine. Son propre esprit se liguait contre elle. Super. Les mèches brunes avaient été domptées et attachées autour de sa tête en "bandeaux". Un truc de grand-mère, quoi. Pour faire ressortir le tout, une unique broche ciselée d'argent au-dessus d'une oreille, au motif de fleur. Pas d'autre bijou, heureusement. Par esprit de contradiction, elle tira quelques mèches du chignon, détruisant la perfection et laissa celles-ci libres de boucler sur ses joues et ses épaules. Elle avait le droit, bons dieux. Elle était dans SON rêve. Elle avait amplement le droit de commander. Et son cerveau semblait lui adresser un pied-de-nez en hurlant "EH BEN NON!". 

Seule silhouette opaque dans un bataillon de translucides. Seule vivante parmi des dizaines de morts. Elle chercha désespérément du regard quelque chose qui lui permette de sortir d'ici. Pas de porte dans cette salle, juste une enfilade de pièces. Une sorte de réception privée. Un peu trop privée même. Soulevant les pans de sa robe qui traînaient jusqu'aux pieds, elle fendit la foule des danseurs fantômes, à la recherche de quelque chose dans ce songe qu'elle pourrait contrôler une bonne fois pour toutes. 

Robe, salle et broche:

 

FICHE ET CODES PAR BROADSWORD.